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ArteHistoire

L'autel d'or de saint Ambroise de Milan

26 Juin 2014 , Rédigé par Sabrina Ciardo Publié dans #Histoire de l'art

L'autel d'or de saint Ambroise de Milan

L’autel d’or de Milan est le seul exemplaire carolingien d’autel recouvert sur tous les côtés. Plusieurs églises en possédaient, mais il s’agissait plutôt d’un antependia, c’est-à-dire un devant d’autel. L’objet est aussi appelé paliotto ou pala d’oro, à cause de son revêtement d’or et d’argent. La face postérieure, côté célébrant, et les deux extrémités sont recouvertes d’argent et décoré d’or. Contrairement à celles-ci, la face antérieure est toute recouverte d’or et a été datée par plusieurs historiens aux alentours du 12ème siècle.

Vers 1896, Kondakov a refusé d’accepter la datation du début du 9ème siècle et suggéra la datation du 12ème siècle[1]. Dans l’année 1911, Marignan a suivi l’hypothèse antérieure refusant l’époque carolingienne dans son ouvrage[2] en proposant des comparaisons, surtout dans les habits portés par les personnages. La proposition de Zimmermann, vers 1897, fut décisive, car il propose de voir un style typique de l’art lombard, mais ne trouvant aucun exemple, il supposa que la partie antérieure fut refaite, suite à la chute de la coupole de l’église Saint-Ambroise en 1196. Par conséquent, cette partie devint une copie du 13ème siècle de l’original du 9ème siècle[3]. Durant les années 50, plusieurs autres historiens se sont battus pour cette datation. Certains, comme Molinier, Deckert et Venturi, défendaient l’hypothèse du 9ème siècle, d’autres au contraire, comme Bock, Elbern[4] et Porter, défendaient l’hypothèse du 12ème siècle.
Durant la renaissance carolingienne, Milan prend un statut plus important et la ville « […] renaît aussi à son rang de métropole d’empire et son magnifique autel d’or donne un témoignage de la pérennité artistique dans la cité lombarde, la rivale de Rome »[5]. L’autel d’or reflète cette nouvelle puissance par une profusion de gemmes et de pierres précieuses, ainsi que de très beaux émaux.
C’est vers l’année 830 que l’évêque Angilbert II lança la commande de l’autel, afin de placer les restes de saint Ambroise, ancien évêque de Milan, et ceux des saints Gervais et Protais se trouvant déjà dans la basilique Saint-Ambroise de Milan. D’après Gauthier, le nombre d’émaux qui recouvrent l’autel représenterait donc « quatre-vingt pour cent des émaux d’époque carolingienne connus aujourd’hui »[6]. L’orfèvre qui exécuta cet objet fut, d’après l’attestation sur l’autel, Wolvinius. Il créa les trois flancs de l’autel en les encadrant de moulures de bronze, il distribua la face postérieure de six panneaux groupés par deux. L’orfèvre posa des émaux sur tous les bandeaux des cadres, ainsi que sur le caissonnage. L’autel mesure 228 cm de longueur sur 132 cm de largeur et 116 cm de hauteur.
Les plaques d’or ont été au cours de l’histoire restaurées, volées et de nouveau restaurées au 17ème siècle, peut-être que même la représentation a changé. Suite aux vols, le cardinal milanais, Pietro Peregrosso, suggéra de construire, vers 1239, une grille autour de l’autel qui fut fermée à clef. Mais le problème des clefs remit en question l’accès à l’autel. Il fallut attendre le 7 décembre 1947 pour obtenir, autour de l’objet précieux, une boîte en cristal qui la protégea sans être cachée à la vue des fidèles.
La face postérieur représente un cycle ambroisien. Le commanditaire a décidé de faire représenter des scènes emblématiques du saint qui est identifié au Christ et des scènes qui donnent les autres utilités de l’autel, à savoir un autel eucharistique et un autel funéraire.

[1] TATUM George Bihop, « The Paliotto of San’Ambrogio at Milan », dans The Art Bulletin, vol. 26, n°1 (Mars 1944), p. 25.

[2] Marignan Albert, Etudes sur l’histoire de l’art italien au XIe-XIIIe siècle, Strasbourg, éd. Heitz, 1911.

[3] TATUM, p. 25.

[4] ELBERN Victor, Der Karolingische Goldaltar von Mailand, Münich, éd. Rapid-Druck, 1952.

[5] GAUTHIER Marie-Madeleine, Emaux du moyen âge, Fribourg, éd. Office du Livre, 1972, p.39.

[6] Ibid, p.41.

Autel, face postérieure réalisée par Wolvinius.

Autel, face postérieure réalisée par Wolvinius.

L'autel d'or de saint Ambroise de Milan

Ambroise évêque

UBI EXAME(EN) APU(M) PUERI OS CO(M)PLEVIT

Cette première scène porte un titulus en capitales carolingiennes et signifie : Dans lequel un nuage d’abeille remplirent la bouche de l’enfant Ambroise. D’après Courcelle, ce passage correspondrait à celui de la Vita Ambrosii de Paulin de Milan III, 2-9 : « Examen apum adueniens faciem eius atque ora compleuit »[1]. L’auteur de cette Vita désigne Ambroise comme un infans d’après Courcelle et non pas comme un puer. Par conséquence, l’orfèvre a changé ce mot et a « représenté Ambroise enfant plutôt que bébé : il est étendu dans son berceau posé transversalement au premier plan de la composition, sur des pieds arrondis »[2]. Au-dessus de lui, il est possible de voir l’essaim d’abeilles qui sont plus grosses que nature. Les nuages sont représentés par trois lignes pour suggérer le ciel. A gauche, il y a la mère d’Ambroise et à droite son père. Selon le récit de Paulin il devrait y avoir une nourrice qui essayait d’éloigner les abeilles, mais par manque d’espace, l’orfèvre ne l’a pas représentée. Lamirande explique la signification de ces abeilles chez Ambroise. Etant évêque, Ambroise devait avoir une parole convainquante, alors « si les bons discours sont comparés à un rayon de miel, l’essaim d’abeilles symbolise les écrits du futur évêque qui annonceront les dons du ciel et inviteront les hommes à porter plus haut leurs regards »[3]. De plus, son nom Ambroise/ambrosio, par définition, signifie aussi quelque chose comme miel, douceur, d’après Hahn[4]. Elbern a comparé cette image à la Naissance du Christ, comme sur celle de l’autel, mais la comparaison la plus semblable est une scène du Sacramentaire de Henri II, dans laquelle Joseph et Marie se trouvent à côté du Christ et le présentent comme les parents d’Ambroise. Une autre comparaison qu’a proposée encore Elbern est celle du codex Egberti, conservé à la bibliothèque de Trèves et daté de 985, où le berceau ressemble à la mangeoire dans laquelle Jésus avait été posé.

[1] COURCELLE Pierre, Recherches sur saint Ambroise : « vies » anciennes, culture, iconographie, Paris, Etudes Augustiniennes, 1973, p. 172

[2] Idem

[3] LAMIRANDE Emilian, Paulin de Milan et la « Vita Ambrosii » : aspects de la religion sous le Bas-Empire, Paris, éd. Bellarmin, 1983, p. 114.

[4] HAHN Cinthia, « Narrative on the Golden Altar of Sant’Ambrogio in Milan : Presentation and Reception », dans Dumbarton Oaks Papers, vol. 53 (1999), p. 181.

Naissance du Christ: Face antérieure de l'autel d'or; Sacramentaire de Henri II; codex EgbertiNaissance du Christ: Face antérieure de l'autel d'or; Sacramentaire de Henri II; codex EgbertiNaissance du Christ: Face antérieure de l'autel d'or; Sacramentaire de Henri II; codex Egberti

Naissance du Christ: Face antérieure de l'autel d'or; Sacramentaire de Henri II; codex Egberti

L'autel d'or de saint Ambroise de Milan

UBI A(M)BROSI(U)S EMILIA(M) PETIT AC LIGURIA(M)

Cette scène est celle qui suit celle de l’enfance d’Ambroise. Le titulus veut dire : Dans lequel Ambroise va en Emilie et en Ligurie. Ce texte résume celui de Paulin de Milan V, 3 : « Consularitatis suscepti insignia, ut regeret Liguriam Aemiliamque prouincias, uenitque Mediolanium »[1]. Saint Ambroise est sur un cheval et part de Rome en tant que jeune avocat, comme Paulin l’a décrit. D’après la Vita Ambrosii, la manière dont Ambroise s’exprimait, avait convaincu et plu à Probus, un préfet du prétoire et il fut choisi par celui-ci. Par la suite, il reçut les insignes de consulaire, lui permettant ainsi de diriger les provinces de Ligurie et d’Emilie. D’après Elbern, cette représentation correspondrait à l’entrée à Jérusalem[2]. Il est possible de comparer la position du cheval et l’arbre à celui du codex Egberti. Ambroise entre en Emilie ou en Ligurie comme le Christ est entré à Jérusalem sur une monture.

[1] COURCELLE, p.173.

[2] ELBERN Victor H., « Der Ambrosiuszyclus am karolingischen Goldaltar zu Mailand », dans Mitteilungen des Kunsthistorischen Institutes in Florenz, 7, Bd., H. 1 (oct. 1953), p. 6.

Entrée de Jésus à Jérusalem: codex Egberti

Entrée de Jésus à Jérusalem: codex Egberti

L'autel d'or de saint Ambroise de Milan

UBI CATHILICO BAPTIZATUR EP(ISCOP)O

Cette scène est la dernière du registre inférieur et le titulus signifie : Dans lequel il est baptisé par l’évêque catholique. Ce texte n’a retenu que l’essentiel du texte de Paulin IX, 7-9: « Postulauit non se nisi a catholico episcopo debere baptizari : sollicete enim cauebat perfidiam Arrianorum »[1]. Saint Ambroise se trouve dans un bassin et se fait baptiser par l’évêque et un homme d’église lui verse de l’eau sur la tête. Cette représentation est similaire au baptême du Christ. Ici l’artiste cherche encore à identifier la vie d’Ambroise à celle de Jésus. D’après Elbern, cette représentation d’Ambroise nu et immergé dans un bassin est comparable au baptême du Christ du codex Egberti ainsi que sur un ivoire de la collection Mayer van den Bergh à Anvers, daté du 9ème siècle[2]. Ici le geste de l’évêque est celui de saint Jean-Baptiste et le geste de l’homme d’église qui lui verse de l’eau sur la tête est comparable au mouvement que fait une danseuse devant David sur le Psautier de Paris, daté du 10ème siècle. La cuve baptismale est typique de l’époque carolingienne et le corps du futur baptisé devait être complètement immergé.

[1] COURCELLE, p. 174.

[2] ELBERN, p. 6.

Baptême du Christ: Codex Egberti; ivoire de la collection Mayer van den Bergh/ Danse devant David: Psautier de ParisBaptême du Christ: Codex Egberti; ivoire de la collection Mayer van den Bergh/ Danse devant David: Psautier de ParisBaptême du Christ: Codex Egberti; ivoire de la collection Mayer van den Bergh/ Danse devant David: Psautier de Paris

Baptême du Christ: Codex Egberti; ivoire de la collection Mayer van den Bergh/ Danse devant David: Psautier de Paris

Ces scènes sont les plus rapprochables de la vie du Christ, ensuite certaines représentations sont évidentes comme celle de l’ordination d’évêque et l’apparition de son auréole sainte. Surtout sur le registre inférieur, l’imitatio Christi est recherchée par Ambroise, afin d’accéder à la sainteté et l’orfèvre s’est basé sur des images déjà existantes. De plus cette comparaison entre ces deux figures importantes est accentuée par le fait que l’autel représente sur la face antérieur un cycle christologique et la face postérieure un cycle ambroisien.

L'autel d'or de saint Ambroise de Milan

Autel eucharistique

UBI SU(PE)R ALTARE DORMIENS TURONIAM (P)ETIT

Ce titulus se trouve sur le deuxième registre et signifie : Dans lequel pendant qu’il dormait à l’autel il visita Tours. Ce texte ne correspond pas à Paulin de Milan, mais à Grégoire de Tours I, 5 : « … Ambrosius super sanctum altare obdormiret. Quod uidentes muli, cum nullus eum penitus excitare praesumeret, transactis fere duarum aut trium horarum spatiis escitaeuerunt dicentes : « Iam hora praeterit. Iubeat domnus lectori lectione, legere ; spectat enim populus ualde iam lassus »[1]. Dans cette scène Ambroise s’est endormi pendant qu’il célébrait la messe. Derrière lui, un diacre le réveille en posant sa main sur son épaule. En se réveillant il raconta qu’il avait appris que saint Martin était mort. Cette plaque présente un autel en or et portant une croix au centre. Cet objet sert à célébrer la messe, dans cette représentation, et la forme est similaire, mais de manière stylisée.

[1] COURCELLE, p. 175.

L'autel d'or de saint Ambroise de Milan

UBI PEDE(M) A(M)BROSIUS CALCAT DOLENTI

Cette scène est la première du troisième registre et porte un titulus signifiant : Dans lequel Ambroise marcha sur le pied de l’homme malade. C’est l’épisode que décrit Paulin de Milan XLIV, 1-5 : « Per idem tempus Nivertius quidam ex tribuno et notario, qui ita pedum dolore tenebratur, ut raro in publico uideretur, cum ad altare accessisset ut sacramenta perciperet, calcatusque casu a sacerdote exclamasset, audiuit : « Vade, et amodo saluus eris ». Nec se amplius doluisse pedes, tempore quo sanctus sacerdos de ac luce migrauit, lacrimis testabatur »[1]. Ambroise, debout derrière l’autel, célèbre la messe. Quatre hosties sont posées sur l’autel, formant une croix. Un diacre amène un ciboire et Nicetius se trouve sur la gauche. Le pied de ce dernier est écrasé par Ambroise, le guérissant de cette manière. Cette représentation présente un autel portant une croix centrale, il s’agit probablement de l’autel en question, sur lequel est célébré la messe. Elbern rapproche cette scène de la scène d’eucharistie du Christ[2]. Cette représentation est fortement comparable au psautier grec, le Pantocrator 61 du Mont Athos[3]. Le Christ se trouve au centre et pose sa main sur un des apôtres, sur le côté gauche, et un autre apôtre boit du très grand ciboire, sur la droite.

[1] COURCELLE, p.176.

[2] ELBERN, p. 6.

[3] Ibid, p. 4.

Pantocrator 61 du Mont Athos

Pantocrator 61 du Mont Athos

Ces deux représentations symbolisent la deuxième fonction de l’autel. Les autels présents sur les scènes sont très similaires à l’autel en question. Il est en or, il porte une croix et la messe y est célébré. Une autre représentation de cet autel est présent sur la parties centrale des fenestelle. Angilbert porte l’autel dans les mains et l’offre à saint Ambroise qui est sur le point de le couronner.

Autel tombeau

Le texte dédicatoire

Un texte en latin entoure le cycle ambroisien. La particularité de celui-ci réside dans la manière de le lire. Chaque lettre finale de la phrase sert de première lettre pour la suivante. De cette manière, le texte horizontal et vertical est lié entre lui. De plus les lettres sont des capitales carolingiennes. Le texte est le suivant :

« AEMICAT ALMA FORIS RUTILOQVE DECORE VENUST(a)

ARCA METALLORUM GEMMIS QUAE COMPTA CORVSCA(t)

THESAVRO TAMEN HAEC CVNCTO POTIORE METALL(o)

OSSIBVS INTERIVS POLLET DONATA SACRATI(s)

EGREGIVS QVOD PRAESVL OPVS SVB HONORE BEAT(i)

INCLITVS AMBROSII TEMPLO RECVMBANTIS IN ISTO

OPTYLIT ANGILIBERTVS OVANS DOMINOQVE DICAVI(t)

TEMPORE QVO NITIDAE SERVABAT CVLMINA SEDIS.

(a)SPICE, SVUMME PATER, FAMULO MISERERE BENIGN(o),

(t)E MISERANTE DEVS DONVM SVBLIME REPORTE(t) »[1].

Ce texte est en fait un poème composé de 10 hexamètres dactyliques expliquant la volonté d’Angilbert II de fabriquer cet autel. La traduction est donnée par Tatum et par Gauthier : « Elle resplendit à l’extérieur, l’arche protectrice qu’embellit l’ornement rutilant des métaux et qui, parée de gemmes, étincelle. Pourtant c’est dans un trésor préférable à tout métal que, plus à l’intérieur, réside sa valeur, puisqu’elle reçut le don d’ossements sacrés. L’illustre Angilbert présida à cet ouvrage et l’offrit, parmi les ovations, en l’honneur du bienheureux Ambroise qui repose dans ce temple ; et il le dédia au Seigneur au temps où il servait, au faîte du pouvoir dans ce siège florissant. Tourne tes regards, père éminent, sois miséricordieux pour ton serviteur généreux ; si tu lui accorde ta miséricorde, puisse Dieu la lui donner, là-haut, en retour»[2].

Non seulement Angilbert affirme qu’il a fait faire cet autel avec du métal précieux et des émaux, mais il cherche aussi à justifier son action à savoir le déplacement des reliques des saints sous l’autel. Afin de lui donner la fonction de tombeau, le commanditaire ou l’orfèvre a choisi d’employer le mot arca qui est, à l’époque carolingienne, le terme qui désigne l’arche sous laquelle repose le corps. De plus, les termes « réside sa valeur » et « ossements sacrés » affirment que le corps de saint Ambroise se trouve encore sous l’autel.

[1]GAUTHIER, p.317.

[2] Ibid., p. 318.

L'autel d'or de saint Ambroise de Milan

UBI SEPELVIT CORPUS BEATI MARTINI

Ce titulus correspond à la scène suivant la visitation d’Ambroise à Tours et signifie : Dans lequel il enterra le corps de saint Martin. Par contre, ce texte ne correspond ni à Paulin de Milan, ni à Grégoire de Tours. La scène représente Ambroise en train d’enterrer saint Martin. D’après Hahn, « au 9ème siècle, Martin était le premier saint de la France carolingienne, un statut qui a été reconnu par le patron Franc de l’autel, Angilbert »[1]. Martin était connu en Italie, comme un combattant contre les hérétiques et fut un saint similaire à Ambroise, car l’êveque de Milan combattait contre les Ariens. D’après Elbern, cette représentation ferait allusion à l’enterrement du Christ[2] qui est comparable encore au codex Egberti. Mais là, Ambroise n’est pas identifié au Christ, mais à l’une des personnes qui l’enterre. Il faudra voir dans cette représentation un tombeau similaire à la forme de l’autel. Il est en or, décoré et un saint y est enterré. Cet enterrement ferait référence aux reliques se trouvant sous le paliotto.

[1] HAHN, p.175.

[2] ELBERN, p. 6.

Enterrement du Christ: codex Egberti

Enterrement du Christ: codex Egberti

L'autel d'or de saint Ambroise de Milan

UBI IE(S)UM AD SE VIDET VENIENTE(M)

Cette représentation se trouve sur le troisième registre et le titulus signifie : Dans lequel il voit Jésus s’approchant de lui. Cette inscription est exactement la même de Paulin de Milan XLIV, 3 : « Viderat domnum Iesum aduenisse ad se »[1]. Ambroise est sur le point de mourir, alors Jésus lui apparaît et le bénit de la main droite et de la main gauche il tient le rouleau fermé de l’enseignement. Les sandales, d’après Hahn, seraient le symbole de sainteté[2], car Ambroise avait réalisé un miracle avec son pied. Dans la scène, le saint est comme en train de dialoguer avec la vision du Christ, car ses yeux sont ouverts et il bouge sa main. Cette vision était, d’après la tradition, réservée au saints. Il est couché sur un lit qui ressemble à l’autel décoré d’or, donnant ainsi la fonction de futur tombeau à la pièce d’orfèvrerie.

[1] COURCELLE, p. 177.

[2] HAHN, p. 177.

L'autel d'or de saint Ambroise de Milan

UBI ANIMA IN CELUM DUCITUR CORPORE IN LECTO POSITO

Cette représentation est la dernière scène du cycle ambroisien. Le titulus signifie : Dans lequel son âme a été transportée au paradis, son corps est resté dans sa tombe. Paulin de Milan, dans sa Vita Ambrosii, dit tout simplement XLVII, 12 : « Emisit spiritum »[1]. Ambroise est mort. Son corps repose dans un sarcophage similaire à celui de saint Martin et son âme se dirige vers le paradis, accompagné d’un ange. D’après Hahn, le fait d’écrire le mot corpus, ferait référence au corps du Christ[2]. La fonction de cet autel est de nouveau exprimée par une scène d’enterrement, où, cette fois, le dernier épisode du cycle est la mort d’Ambroise, permettant ainsi de donner l’ultime fonction de tombeau à l’autel. Cette scène présente aussi un évêque qui enterre Ambroise. Celui-ci est en réalité le successeur de l’évêque défunt de Milan. Cette continuité dans la fonction d’évêque est présente aussi sur les côtés de l’autel, où Ambroise est présenté avec son successeur Simplicien et de l’autre côté Martin de Tours avec Materne.

[1] COURCELLE, p. 178.

[2] HAHN, p. 179.

Côtés gauche et droit de l'autelCôtés gauche et droit de l'autel

Côtés gauche et droit de l'autel

Cet autel fonctionne comme tombeau par son emplacement. Angilbert, lors de la restauration de la basilique Saint-Ambroise, a déplacé les reliques des saints Ambroise, Gervais et Protais et les as placés dans un seul sarcophage, placé transversalement sur la tombe primitive, désormais vide ; le presbyterium fut surélevé avec la construction de la crypte. Pour couvrir et couronner le tout, Angilbert offrit l’autel d’or et d’argent à l’église constitué de portes dans le but de consentir aux fidèles de s’approcher à la tombe sous-jacente[1]. De plus les fenestelle se trouvant sur la partie postérieure incitent les fidèles à ouvrir ces portes afin de voir les saintes reliques.

[1] CAPPONI Carlo, L’Altare d’oro si sant’Ambrogio, Milan, éd. Silviana Editoriale, 1996, p. 58.

La face postérieur est plus privilégiée aux célébrants et aux hommes d’église, car ils savent lire le latin et devaient imiter la vie d’Ambroise, basée sur celle du Christ, afin d’accéder à la sainteté. Le message le plus évident est celui de célébrer la Passion du Christ à travers la célébration de la messe sur l’autel qui a servi dans le cycle ambroisien, lui aussi comme un objet sur lequel le saint a célébré l’eucharistie. La sainteté d’Ambroise a été représentée par diverses scènes qui sont comparable à la vie du Christ et par les miracles les plus importants pour le commanditaire.
Les tituli permettent de raconter l’épisode en se basant sur le texte de Paulin de Milan, daté du 5ème siècle. Suite à la réalisation de l’autel d’or, un nouveaux texte hagiographique sur d’Ambroise est apparu. Il s’agit de la De Vita et meritis Ambrosii d’un auteur anonyme du 9ème siècle. Ce texte intègre des épisodes martinien sur une copie du récit de Paulin de Milan. D’après Boucheron, « […] son unique témoin manuscrit date de l’épiscopat d’Ansperto (868-881) »[1]. Il est possible de supposer que l’autel a servi de modèle à la réalisation de cette vie carolingienne, car les épisodes de saint Martin ne se trouvent pas chez Paulin de Milan, mais chez Grégoire de Tours. Peut-être ce fut le contraire et ce manuscrit servit de modèle pour réaliser l’autel.

[1] BOUCHERON Patrick, « Au cœur de l’espace monumental milanais. Les remplois de Sant’Ambrogio (IXe et XIIe siècles) », dans Remploi, citaiton, plagiat : conduites et pratiques médiévales, Xe-XIIe siècle, TOUBERT Pierre, MORET Pierre, Madrid, éd. Casa de Vélàzquez, 2009, p.178.

Bibliographie

Monographies

Capponi Carlo, L’Altare d’oro di sant’Ambrogio, Milan, éd. Silviana Editoriale, 1996.

Courcelle Pierre, Recherches sur saint Ambroise : « vies » anciennes, culture, iconographie, Paris, Etudes Augustiniennes, 1973.

Elbern Victor, Der karolingische Goldaltar von Mailand, Münich, éd. Rapid-Druck, 1952.

Gauthier Marie-Madeleine, Emaux du moyen âge, Office du Livre, Fribourg, 1972.

Lamirande Emilien, Paulin de Milan et la « Vita Ambrosii » : aspects de la religion sous le Bas-Empire, Paris, éd. Bellarmin, 1983.

Marignan Albert, Etudes sur l’histoire de l’art italien au XIe-XIIIe siècle, Strasbourg, éd. Heitz, 1911.

Articles

Boucheron Patrick, « Au coeur de l’espace monumental milanais. Les remplois de Sant’Ambrogio (IXe et XIIe siècles) », dans Remploi, citation, plagiat : conduites et pratiques médiévales, Xe-XIIe siècle, Toubert Pierre, Moret Pierre, Madrid, éd. Casa de Velàzquez, 2009, pp. 161-190.

Elbern H. Victor, « Der Ambrosiuszyklus am karolingischen Goldaltar zu Mailand », dans Mitteilungen des Kunsthistorischen Institutes in Florenz, N°7 (1953), pp. 1-8.

Hahn Cynthia, «Narrative on the Golden Altar of Sant’Ambrogio in Milan: Presentation and Reception», dans Dumbarton Oaks Papers, vol. 53 (1999), pp. 167-187.

Tatum Gerorge Bischop, «The Paliotto of Sant’Ambrogio at Milan», dans The Art Bulletin, vol. 26, N° 1 (1944), pp. 25-45.

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